Maurice Tillieux, Gil Jourdan, Les moines rouges, 1964, Page 26

Gil Jourdan, 1964
Les moines rouges
Planche 26
Encre de Chine sur papier
38,7 x 28 cm
Éditeur Dupuis
Non signé
id. 34270

Du 5 juillet au 29 novembre 1962, les lecteurs du « Journal Spirou » tremblent, frissonnent et rigolent en suivant la septième grande aventure du détective « Gil Jourdan ». Cela fait alors vingt ans que Maurice Tillieux imagine et réalise des récits policiers, tout d’abord en roman, puis en bande dessinée, dont le meilleur exemple précédent reste « Félix ». En 1956, Tillieux crée « Gil Jourdan » pour Le « Journal Spirou » transposant de manière plus humoristique le trio qu’il mettrait précédemment en scène pour Héroïc-Albums.

Le point de départ des « Moines Rouges » lui vient d’un ami, maire d’une petite commune normande, qui s’embrouillait régulièrement avec son adjoint. Deux personnages que l’auteur affubla de physiques caractéristiques, à la Franquin, pour répondre à la demande de son éditeur.

Cette très belle planche originale est l’une des rares pages presque entièrement dédié à l’humour au sein des « Moines rouges ». Pour soigner leurs rhumes contractés la veille pour des raisons différentes, Libellule, l’adjoint de Gil Jourdan, et Benoît Chassemouche, l’adjoint au Maire local, s’adonnent sans modération au calva, une spécialité normande qui génère cette atmosphère guillerette. Ce qui donne d’ailleurs l’occasion à Libellule de gratifier les lecteurs d’un calembour dont il a le secret.

L’arrivée de l’inspecteur Crouton donne à la séquence des adjoints beurrés un tournant inattendu. Tillieux égratigne une fois de plus la police en plaçant Crouton aux côtés de la vache, le running gag de cette aventure. Sans compter que l’inspecteur se fait également traiter d’épouvantail.

Malgré tout, la dynamique du récit est limpide. Tillieux joue sur les lunettes de Chassemouche et l’hilarité de Libellule pour conférer toute l’atmosphère nécessaire à cette séquence plus statique. Chaque fin de bande comprend d’ailleurs sa chute, y compris dans la posture rocambolesque de Chassemouche se retenant au chambranle de porte, typique de l’alcoolisé, mais également extrêmement dynamique et empreinte de mouvement. Expert en bande dessinée, Tillieux n’en oublie pourtant pas le cadre inquiétant de son intrigue, et revient à la fin de sa planche sur son héros Gil Jourdan, qui s’avance dans un brouillard des plus inquiétants.

Cette magnifique planche originale d’une grande lisibilité (admirez le verre renversé en case 5 pour signifier le désarroi des adjoints) est complété des indications de couleurs donnés par Tillieux lui-même. En effet, pas question pour l’auteur, de laisser de côté cet élément indissociable de l’atmosphère de sa séquence, notamment les fonds de couleurs de la première moitié de page, de manière à ce que l’attention du lecteur soit bien portée sur les personnages, leurs expressions, l’éclat de rire qui en découle.

Une séquence entière, complétée de sa chute, tout en réamorçant le déclic du suspense à venir. Tout Tillieux résumé en une seule (et unique !) planche originale.