Milo Manara, Borgia, Les flammes du bucher, Tome 3, 2008, Page 8

Borgia, 2008
Les flammes du bucher, Tome 3
Planche 8
Encres de couleur sur papier
66 x 45,5 cm
Éditeur Drugstore
Non Signé
id. 27381

On ne présente plus Milo Manara, un auteur qui marque de son empreinte non seulement la bande dessinée érotique, mais qui incarne surtout le souffle de la BD historique via entre autres ses collaborations avec Hugo Pratt (Un été indien, El Gaucho) et son Caravage, ainsi que ses récits d'aventures avec sa saga de Giuseppe Bergman.

Au début des années 2000, il surprend et innove en se lançant dans une nouvelle série, intitulée « Borgia », au cœur de Rome. Pour mieux représenter la ville éternelle et les complots ourdis dans l'ombre du Vatican, Manara abandonne la pureté de son noir et blanc pour travailler en couleurs directes, ce qui renforce l'aspect théâtral et grandiloquent, violent et baroque, du récit.

Comme il l'expliquait : " Alexandro Jodorowsky m'a proposé cette histoire qu'il maîtrise bien, car il en a déjà tiré une pièce de théâtre. Ce sujet m'a directement passionné pour plusieurs raisons. Tout d'abord, j'apprécie profondément la période de la Renaissance, et en particulier, certains aspects picturaux des peintres de l'époque, dont Botticelli entre autres, qui a eu l'occasion de réaliser de nombreux portraits des Borgia. Et puis le décorum avec ses fresques, ses peintures et ses sculptures sont d'une grande richesse, avec un repérage plutôt aisé. Enfin, l'Italie est fortement liée à la peinture, plutôt qu'au dessin en lui-même, et c'est ce qui m'a donné l'envie de me lancer dans la couleur directe pour ce récit : je renoue avec mes racines."

Les deux compères ont réellement uni leurs savoir-faire pour monter une pièce comme on en a rarement vue en bande dessinée : des dialogues extrêmes, dépassant toutes les limites mais donnant une vérité unique au récit ; des cases surdimensionnées, proposant une profondeur et un luxe de détails rares ; des visions inédites sur les personnalités uniques de Charles VIII et de Léonard de Vinci, dans un monde où la laideur et le stupre étaient la norme, en dépit de ce que présentent les livres d'Histoire.

Tout ceci transparaît dans cette superbe planche originale : les Borgia qui osent tout et ne supportent pas qu'on leur tienne tête, ordonnent aux soldats de s'emparer de cette statue pour défoncer la porte du monastère, une évidente métaphore des règles de l'Eglise bafouées par ceux qui devraient au contraire en montrer l'exemple.

Alors que les deux premiers tomes de la série montrait encore les limites de la couleur directe appliquée par Milo Manara, toute sa dextérité éprouvée se démontre dès ce tome 3. Son travail à l'aquarelle est très fin, souligné les nuances des plis des vêtements, et des expressions des visages. Allié à la vivacité de son trait clair et à la dynamique de la planche, les couleurs renforcent l'authenticité de la restitution tout réhaussant la narration. Enfin, cette planche originale présente une séquence complète, avec son entame, sa montée en puissance et sa conclusion, terrible et sans équivoque. Une réussite en bande dessiné.