Nicolas de Crécy : Sur les crêtes du sensible
22 mai 2025
Un article de Gwennaëlle Gribaumont pour Arts Libre (La Libre Belgique)
Auteur de BD, Nicolas de Crécy sonde les cimes autant que nos perceptions.
Peindre la montagne n'est pas un geste innocent. Depuis la Renaissance, elle accompagne les grandes secousses du regard occidental sur le paysage. Longtemps reléguée à l'arrière-plan, la montagne devient dès le XVIIIe siècle un motif autonome. À l'image de Friedrich, les romantiques y cherchent l'élévation de l'âme. Plus tard, Cézanne en fait une structure picturale, une colonne vertébrale du regard. D'abord reconnu pour ses bandes dessinées, Nicolas de Crécy (Lyon, 1966) inscrit sa pratique dans cette lignée sans jamais l'imiter. Il marche, observe, capte, sans céder à l'illusion du pittoresque. Sa montagne n'est pas carte postale, mais territoire mouvant, bouleversé et bouleversant. L'artiste l'exprime sans détour : s'il arpente les sentiers depuis des années, c'est désormais avec une conscience accrue des transformations climatiques : “Je ressens le besoin de “consigner” cette nature dont les reliefs vont changer radicalement d'ici peu – nous savons que les chemins empruntés aujourd'hui seront dangereux demain, que les roches s'écroulent, que la glace ne les retient plus, que la spéculation liée àretient plus, que la spéculation liée à l'industrie du ski défigure les vallées, etc.
[...]
On retrouve ce qui fait depuis toujours la singularité de Nicolas de Crécy : cette capacité à mêler profondeur, ironie, étrangeté, dans une forme plastique toujours fluide. Et pour cause, si l'homme s'est largement distingué pour ses bandes dessinées (Léon la Came, Foligatto, Le Bibendum céleste, Période Glaciaire…), c'est dans ce travail plastique – entre carnet de voyage et méditation visuelle – que son trait semble le plus libre, le plus ample, le plus habité. Une œuvre à part, dense et vibrante, qui réactive l'idée que la montagne, avant d'être paysage, fut lieu sacré, tout en nous rappelant que gravir une montagne, c'est aussi gravir une image.
Un article de Gwennaëlle Gribaumont pour Arts Libre (La Libre Belgique)
Auteur de BD, Nicolas de Crécy sonde les cimes autant que nos perceptions.
Peindre la montagne n'est pas un geste innocent. Depuis la Renaissance, elle accompagne les grandes secousses du regard occidental sur le paysage. Longtemps reléguée à l'arrière-plan, la montagne devient dès le XVIIIe siècle un motif autonome. À l'image de Friedrich, les romantiques y cherchent l'élévation de l'âme. Plus tard, Cézanne en fait une structure picturale, une colonne vertébrale du regard. D'abord reconnu pour ses bandes dessinées, Nicolas de Crécy (Lyon, 1966) inscrit sa pratique dans cette lignée sans jamais l'imiter. Il marche, observe, capte, sans céder à l'illusion du pittoresque. Sa montagne n'est pas carte postale, mais territoire mouvant, bouleversé et bouleversant. L'artiste l'exprime sans détour : s'il arpente les sentiers depuis des années, c'est désormais avec une conscience accrue des transformations climatiques : “Je ressens le besoin de “consigner” cette nature dont les reliefs vont changer radicalement d'ici peu – nous savons que les chemins empruntés aujourd'hui seront dangereux demain, que les roches s'écroulent, que la glace ne les retient plus, que la spéculation liée àretient plus, que la spéculation liée à l'industrie du ski défigure les vallées, etc.
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On retrouve ce qui fait depuis toujours la singularité de Nicolas de Crécy : cette capacité à mêler profondeur, ironie, étrangeté, dans une forme plastique toujours fluide. Et pour cause, si l'homme s'est largement distingué pour ses bandes dessinées (Léon la Came, Foligatto, Le Bibendum céleste, Période Glaciaire…), c'est dans ce travail plastique – entre carnet de voyage et méditation visuelle – que son trait semble le plus libre, le plus ample, le plus habité. Une œuvre à part, dense et vibrante, qui réactive l'idée que la montagne, avant d'être paysage, fut lieu sacré, tout en nous rappelant que gravir une montagne, c'est aussi gravir une image.