Edmond Baudoin vu par... Ernest Pignon-Ernest

29 juin 2018

Quand je pense à Edmond je pense au Port, quand je pense à ses dessins je pense aussi d’abord au Port : un dessin de la digue, je crois que c’était dans Le Procès-verbal de Le Clézio, presque rien, à peine plus que trois traits horizontaux et c’était vraiment la digue du Port – que je connais, et lui aussi depuis 70 ans-. « Ce que je n’ai pas dessiné je ne l’ai point vu » a écrit Goethe : Edmond dessine et nous fait voir, miracle du dessin, singularité du trait, des traits d’Edmond. Là pour la digue le trait noir du haut dit que tout ce blanc au-dessus c’est du ciel comme celui du bas annonce la mer. Ces tracés noirs d’Edmond, leur écriture, leur texture, leur fluidité ou leur rude frotté, leur délié ou leur accroche travaillent le blanc de la feuille, le sculpte : il devient paysage, cuisse, caillasse, eau… lumière.

C’est parce que - qu’on le perçoive ou non – ses dessins ont conjugué dans le même geste le regard, la pensée et la main, qu’ils provoquent ce plaisir de connaître et ce sentiment de profonde et sensuelle humanité.

Nous recevons ses dessins et ses histoires- même les plus contemporaines – comme s’ils résonnaient des légendes et des fables qui ont fondé notre culture méditerranéenne, ils participent de ces harmonies essentielles qui se forgent entre les mythes et les hommes, entre la vie et les représentations de la vie… et de la mort.

(Portrait réalisé spécialement pour ce témoignage par Edmond Baudoin en 2018)