Hergé, Tintin et Milou, Le sceptre d'Ottokar, 1939, Page 80, Planche prépubliée en1939 dans le Petit XXe

Tintin et Milou, 1939
Le sceptre d'Ottokar
Planche 80
Planche prépubliée en1939 dans le Petit XXe
Encre de Chine, aquarelle et gouache sur papier
31,7 x 22,4 cm
Éditeur Casterman
Signé en bas au centre
id. 12844

Le Sceptre d'Ottokar est un sommet, l'apogée de la première partie de la carrière de Hergé. Depuis Le Lotus Bleu et sa rencontre avec Tchang, le jeune auteur fait entrer le monde réel dans les aventures de son héros. C'est particulièrement vrai dans ce récit écrit dans les dernières semaines avant le déclenchement de la seconde guerre mondiale. Si la Syldavie et la Bordurie sont des pays imaginaires, ils sont clairement situés dans les Balkans, et la menace que le second fait peser sur le premier en rappelle d'autres bien réels. Dans un de ses échanges épistolaires avec Charles Lesne, son interlocuteur chez Casterman, Hergé se fait visionnaire : « La Syldavie, c'est l'Albanie. Il se prépare là-bas une annexion en règle ». Cette planche se situe à un moment clé du récit. Après une fulgurance, Tintin a compris comment le sceptre était sorti du palais royal. Il se rend à l'endroit où il espère le retrouver, mais tombe nez à nez avec les conspirateurs. Les pages qui suivent vont décider du sort de la Syldavie... Graphiquement, Hergé maîtrise désormais son art à la perfection. Son dessin est épuré comme il ne le sera plus par la suite. Rien de superflu dans le décor, juste le nécessaire pour dégager une impression de réalisme. Sur le plan du rythme, la page est incroyablement dynamique. Quelques semaines après sa parution, dans une interview parue dans La Revue de Saint-Boniface, Hergé revient sur sa manière de faire. « Ma façon de raconter une histoire se rapproche beaucoup plus de celle du cinéma ordinaire que de celle du dessin animé. J'ai repris au cinéma actuel ses procédés de découpage : au moment où l'on parle d'un personnage, il faut montrer ce qu'il fait, varier les plans [...]. Tout cela, je le fais facilement parce que je suis arrivé à voir les choses "en cinéma", si vous me passez l'expression ». Enfin, cette planche magnifique se termine par un effet dont l'auteur a pris l'habitude : un cliffhanger, un évènement inattendu, qui va tenir les lecteurs en haleine jusqu'au jeudi suivant... Une pièce muséale.