Warnauts & Raives, Les suites vénitiennes, Sérénissime, Tome 9, 2006, Page 19

Les suites vénitiennes, 2006
Sérénissime, Tome 9
Planche 19
Encres de couleur sur papier
36 x 26 cm
Éditeur Casterman
Non Signé
id. 13030

Depuis près de quarante ans, Guy Raives et Eric Warnauts ont entremêlé leurs dessins, leurs histoires et leurs carrières, si bien qu’il est parfois difficile de distinguer qui imagine ou dessine tel élément dans tel récit. Les voir travailler à deux sur la même planche vous livre leur secret : l’absence d’ego.

Lorsqu’ils sont tous les deux au même endroit, ils ne s’échangent plus la planche, ils la font tourner sur leur centre, chacun des deux venant rajouter son trait, sa couleur, son grain de sel à ce que le précédent vient de mettre, tout en gardant à l’esprit le récit conçu ensemble, et sans jamais dépasser le stade qu’exige une belle et parfaite collaboration. Un tandem d’auteurs-dessinateurs tout simplement unique dans l’histoire de la bande dessinée.

Cette planche originale mise ici vente en est certainement l’un des meilleurs témoignages existants. Tout d’abord car il s’agit de leur plus longue saga, neuf albums en tout pour ces « Suites Vénitiennes », qui trouve ici leur conclusion dans ce neuvième tome.

Cette planche originale muette renvoie presque aux planches dépourvues de dialogues qui hypnotisaient le lecteur dans les premières pages du premier tome. Sauf qu’au lieu de présenter la Sérénissime dans toute sa splendeur (et son horreur), les auteurs se focalisent sur « Plombi », à savoir les prisons des Doges dont les toits étaient recouverts de plomb. On retrouve le personnage central de Dorina, emprisonné non loin d’où devait être le personnage historique de Casanova.

Cette planche en couleurs directes dépasse l’évocation de l’une des plus fameuses prisons au monde, pour se focaliser sur le désarroi ressentie par l’isolement et les conditions qui y régnaient. L’esprit matérialisé traduit ce désarroi. Le tout démultiplié par la case finale : ce canal surplombé par le fameux Pont des Soupirs, qui tire son nom des soupirs exhalés par les prisonniers qui passaient ici de leur lieu de jugement à celui de leur emprisonnement. Sauf qu’au contraire des photos touristiques, Warnauts & Raives présentent l’autre profil du canal et du Pont, en direction de la lagune. À l’image de la série des « Suites Vénitiennes » qui dévoile une facette inattendue de Venise.